Pour entreprendre en restauration, Amaury de Veyrac s’est associé à Marc Grossman, le fondateur de Bob’s Kitchen, en 2006 après avoir travaillé avec lui sur un bar à jus éphémère au Bon Marché. Séparé de son associé, il gère désormais seul Kitchen Paris et vient de cofonder StoqueMarket, une place de marché dédiée aux restaurateurs pour les aider à sourcer des fournisseurs de qualité.
Jean-Baptiste Deprez est associé à son cousin Grégoire, qui, après un séjour prolongé à Londres en 2012 avait envie d’ouvrir un café de quartier proposé du bon café de spécialité.
Après les études en alternance, il a travaillé dans l’entreprise familiale de textile, tout en montant une petite marque de prêt à porter. Grégoire, qui était son coloc, lui demandait souvent son avis sur son projet de café. Un jour, l’évidence s’est imposée, il fallait s’associer avec lui. Aujourd’hui, ils sont à la tête de Dose : 2 cafés et un labo où ils fabriquent leurs produits et torréfient leur café.
Amaury, comment as-tu démarré?
AdV : J’ai travaillé dans une pizzeria pendant plusieurs années quand j’étais étudiant. Ce qui me plaisait, c’était les rapports humains et le fait d’avoir directement le résultat de mon travail. La restauration est un métier concret, où on ne peut pas tricher. Après un séjour en Amérique du Sud, où il y avait des bars à jus partout, je me suis dit qu’à Paris, vraiment, ça manquait. J’ai sauté le pas en 2006 après avoir vainement essayé de travailler en costume cravate à la Défense, et rencontré Marc Grossman. Le fait d’avoir un associé, dont j’étais complémentaire, m’a aidé à prendre confiance en moi et à lancer une affaire.
Quelles ont été les premières difficultés quand vous vous êtes lancés?
AdV : On se retrouve du jour au lendemain chef d’entreprise avec beaucoup de choses à faire et à gérer: les finances, les RH, la plomberie, les grèves… Manager l’humain, dire des choses qui fâchent, c’est difficile .
JBD : Moi ce qui m’a surpris le plus, c’est la difficulté qu’on a à familiariser les parisiens avec du bon café – à faire du vrai travail de fond – et à faire entrer du monde dans nos restaurants. Quand on ouvre, on ne peut pas se rater, il faut faire bonne impression dès le départ.
Comment faire venir les gens?
JBD: On se remet en question en permanence, on analyse ce qui va et ce qui ne va pas, et sur fait évoluer à la carte, son lieu, voir sa recette de café, quitte à interroger les clients pour connaître leurs envies. Il faut être acharné et faire montre de volonté. On n’a pas pu bouleverser les codes aussi vite qu’on aurait voulu.
Comment gérer le fait d’avoir un associé?
AdV : Il faut s’associer avec quelqu’un qui a des compétences différentes, et dont on est complémentaire. Il faut poser les bases de l’association en faisant un pacte d’associés. Avec Marc, tout de suite, on s’est défini des champs de décision, sans se marcher dessus. Mais ça ne m’a jamais empêché de donner mon avis. Il peut y avoir des conflits, mais c’est sain si au final ça nous fait avancer, car ça fait murir le business. La création d’un conseil consultatif, avec des personnes, émet des histoires différentes mais qui sont bienveillantes et prêtes à nous aider à prendre le recul quand un problème se pose, peut être une bonne idée. On se réunit tous les trimestres et on fait le point.
JBD : Je suis ok sur le principe de complémentarité. Et il est en effet très important de se répartir les tâches et d’écrire noir sur blanc qui décide quoi, même s’il y a désaccord. C’est idéal pour faire évoluer l’entreprise, en mettant les egos de côté. Nous avons travaillé ensemble avant de s’associer, j’étais donc salarié dans un premier temps, même si les conditions du deal à venir étaient déjà écrites. Ça a été très formateur, et instauré une relation de confiance. Aujourd’hui, on est 4 associés, avec ma femme Mathilde et un ami d’enfance, Tim, et eux aussi ont été salariés avant de devenir associés.
Que feriez-vous différemment aujourd’hui, si c’était à refaire?
AdV : Je pense que je m’entourerais de personnes dans mon restau comme je le fais aujourd’hui dans mon nouveau projet (StoqueMarket), et que je m’efforcerais d’écrire la vision à 5, 10 ans. Je ferai une feuille de route. Un restaurant est une entreprise, et toute entreprise doit avoir une vision et une stratégie.
JBD : Moi je délèguerais davantage, en sachant pertinemment que certaines dépenses sont utiles au développement. Pour rebondir sur la vision, je dirais que mettre les mains dans le cambouis, pour un métier comme le nôtre, est formateur pendant les premières années. Nous avons seulement la maturité nécessaire à l’écriture d’une vision 4 ou 5 ans après avoir commencé, parce qu’on a désormais du plomb dans la cervelle du fait d’avoir autant turbiné. Aujourd’hui nos fondations sont solides.
Comment avez-vous soutenu vos projets?
AdV : J’ai contacté 5 banques avant d’en trouver une qui voulait bien financer un restaurant végétarien. Je rappelle que c’était il y a 10 ans, et on nous conseillait de choisir un autre concept. Pour avoir un emprunt, il est nécessaire d’apporter au moins la moitié de la somme qu’on veut emprunter. Moi j’ai démarré avec 15 000 euros.